Chronique de (bon) voisinage
Vidéo surveillance
De nuit, les pièges éclairent et filment en infrarouge. L’œil (humain) ne le voit pas : qu’en est-il pour les animaux que nous observons ?
Pour nos blaireautins de l’année, la nuit est ce moment de noir, à l’air libre, ponctué de minutes d’infrarouge. Quant à savoir si cette longueur d’onde leur fiche des coups de soleil, mystère !
L’acuité visuelle du blaireau est réputée mauvaise. Aucun enregistrement ne montre qu’ils voient les caméras. Il nous est arrivé de disposer un piège à hauteur de truffe et là, oui, on peut les voir s’approcher en reniflant et déguerpir aussitôt que nos odeurs d’aliens leur sautent au nez. A l’inverse, l’attitude des renards (et des chats) laisse penser qu’ils pourraient voir la lumière infrarouge des pièges.
Un mix de mouvement et de changement de température déclenche l’enregistrement. Nous relevons les pièges une fois par semaine, pour vider les cartes mémoire et recharger les batteries. Enquête tranquille, collectage d’un temps qui n’est pas le nôtre sur un territoire que nous partageons (plus ou moins).
Une nuit d’avril, un blaireautin resté seul se met à piouner. Le pauvre micro du piège en témoigne. Il va être temps de sortir du matos plus finaud.
Monochrome mais sonore
C’est avec le documentariste animalier Yannick Cherel, lui aussi trégorois, que l’on tente une captation sonorisée en binaural. Une caméra sensible à l’infrarouge posée au sol, deux projecteurs infrarouges et une tête binaurale surveillent toute la nuit une des gueules principales du réseau de terriers.
Comme pour les hirondelles, le cycle est intéressant. Le soleil s’est couché à 21h18, l’enregistrement débute à 22h24. Assez vite, on a quelques petits déplacements dans les feuilles, un peu de solidien (transmission sonore par le sol), une chouette, des aboiements à plusieurs centaines de mètres, l’acoustique du coin et la rumeur de route de l’axe Guingamp-Tréguier parce que le vent souffle gentiment de l’ouest. La terre est sèche. Le système de prise de son est fixé à un arbre par une liaison rigide : tout l’arbre est transmetteur des basses fréquences qui se propagent dans le sol.
A 1h00, les blaireautins sont de sortie, pour une demi-heure de leurs mini pugilats, aussi brefs qu’intenses : ça grogne assez sévère ces petits machins. Un dernier bricole encore dix minutes et voilà, toute l’équipe est passée sous terre.
A 5h46, on entend un premier oiseau diurne, le soleil se lève à 6h59. Bel épisode de chouettes vers 5h30, avec déjà la recrudescence de la lointaine circulation automobile.